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Le projet FAIR mise sur l’agroécologie pour accroître la résilience des producteurs sahéliens

L’agroécologie pourrait-elle permettre d’intensifier de manière durable une production agricole sahélienne en proie à de profondes vulnérabilités ? C’est là tout l’enjeu du projet FAIR Sahel coordonné par le Cirad. Co-financé à hauteur de 9 millions d’euros par l’Union européenne et l’Agence française de développement, il réunira pendant quatre ans dix partenaires européens et ouest-africains autour d’activités menées au Burkina Faso, au Mali et au Sénégal.

Sortir des systèmes agricoles vulnérables et peu performants

À l’origine du projet, une agriculture sahélienne exposée à de nombreux risques, au premier rang desquels le changement climatique. « C’est une zone tampon qui en subit de plein fouet les effets, au-delà de ses fragilités structurelles liées aux conditions de pluviométrie et de température » détaille Eric Scopel. Essentiellement tournés vers les productions vivrières et l’élevage traditionnel, les systèmes agricoles se caractérisent par des rendements faibles (<1t/ha) et des pertes post-récolte élevées (>30%). Quelques voies d’intensification émergent, mais elles sont soumises à des contextes de marché extrêmement instables et des prix fluctuants. Par ailleurs, la population africaine devrait tripler à l’horizon 2100. Dans ce contexte de forte pression anthropique -on assiste à une dégradation rapide des ressources naturelles (sols, eau, biodiversité) ainsi qu’à une compétition pour les différents usages des terres agricoles et pastorales. « Les systèmes agricoles sont en déséquilibre permanent et de moins en moins durables », expose le chercheur. Cette situation critique, qu’accentue encore davantage l’insécurité liée aux mouvements terroristes, explique qu’une grande partie de la population sahélienne soit touchée par l’insécurité alimentaire et nutritionnelle. Selon Oxfam, en 2018 au Sahel, près de 10 millions de personnes souffrent de malnutrition aiguë, dont 1,6 million d’enfants, et entre 40 et 50 % de la population vit dans l’extrême pauvreté.

 

Intensification agroécologique

Face à cette insécurité alimentaire chronique, FAIR fait le pari de l’agroécologie, via des activités menées à trois niveaux. Celui des communautés, en s’appuyant sur les expériences des producteurs eux-mêmes ainsi que sur les contributions d'acteurs de la recherche et du développement, pour définir de nouvelles méthodes et techniques de production. Celles-ci concernent tant la gestion des sols et de leur fertilité que l’incorporation de la biodiversité végétale dans les cultures. Les interactions entre agriculture et élevage seront également abordées, pour passer « d’une relation conflictuelle à une relation bénéfique », schématise Eric Scopel.
Les services à disposition des producteurs et leurs liens aux marchés sont d’une importance capitale pour accompagner efficacement la mise en place de ces innovations. C’est pourquoi le second niveau d’action est celui des institutions régionales (fédérations de producteurs, autorités locales, entreprises du marché et des filières, recherche locale, instituts de formation, ONG). En recourant aux outils de prospective (ateliers, jeux de rôle), l’ensemble des acteurs explorent collectivement les conditions d’émergence de l’agroécologie de demain : accès aux filières, accès aux semences, mécanisation, appui technique spécialisé, formation.
Enfin, aux niveaux national et intra sahélien, un travail de plaidoyer vise la convergence avec d’autres initiatives similaires, mais surtout l’appui politique des gouvernements. Objectif : pérenniser et étendre la transition agroécologique des systèmes.

 

Savoir s’adapter aux changements de demain

Grâce à l’intensification et à la diversification de la production, les agriculteurs pourront améliorer leurs revenus et les populations rurales accéder à la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Une attention particulière sera portée à l’impact de l’intensification agroécologique sur la condition des femmes et la répartition de la charge de travail entre les sexes*. En permettant un usage plus efficient des ressources et intrants mobilisés, les nouvelles voies d’intensification agroécologiques seront moins nocives pour la santé et l’environnement.
Dans un contexte de forte incertitude face à l’ampleur et la diversité des changements à venir, le plus grand défi du projet est que les acteurs locaux deviennent autonomes dans les processus d’adaptation. « Jusqu’à présent, les producteurs étaient souvent en position d’attente vis-à-vis des chercheurs, lesquels pouvaient avoir une approche normative », analyse Eric Scopel. Qu’est-ce qui satisfait les producteurs ? De quelles connaissances ont-ils besoin ? Comment la produire et la diffuser ? Un nouvel équilibre devra être trouvé dans la construction et le partage des savoir-faire. « On parie sur la prise de conscience, par les producteurs, d’autres dimensions des performances des systèmes agricoles et des impacts positifs qu’ils peuvent avoir sur les écosystèmes », conclut le scientifique.